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Tout ce que vous voulez savoir sur la porcelaine

La porcelaine des origines est une pâte que l'on obtient à partir d'un feldspath appelé "Pétunzé" en Chine

Brève histoire de la porcelaine

A l'avant-plan le feldspath "baidunzi" - photo archives personnelles, 2004.
Concassage du baidunzi à Sanbao, JingDeZhen – les pilons sont actionnés par des roues à aube jusqu’à l’obtention d’une poudre extrêmement fine (Photo personnelle, 2004)

La porcelaine a été découverte en Chine avant le début de notre ère.

Les chinois disposaient d’un feldspath très pur, qu’on pourrait appeler « pierre à porcelaine » : le « baidunzi » (transcrit par « pétunzé » par un jésuite qui voyageait en Chine au tout début du 18e siècle, le père d’Entrecolles). Grâce à ce pétunzé réduit en poudre puis additionné d’eau, les potiers chinois pouvaient façonner des objets cuisant autour de 1150°C. Ils avaient également développé très tôt (avant J.C.) la technologie des fours permettant de cuire à cette température. « La porcelaine alors produite est tendre avec un taux élevé de déformation et sa couleur blanche manque de pureté » (in Bai Ming, La porcelaine de JingdeZhen).

La “pâte à porcelaine” bi-ingrédients

Vers le 11e siècle, ils ont découvert que l’ajout de kaolin (syn. « china clay ») au pétunzé permettait le façonnage d’objets beaucoup plus fins et de plus grande taille et « la cuisson peut alors monter jusqu’à 1330°C environ. Cette recette réduit le taux de déformation et facilite le façonnage et les autres processus ». (Bai Ming, op.cit.). Si la finesse de l’objet et la température de cuisson étaient suffisantes on obtenait une pièce d’un blanc éclatant et transparente.

C’est Marco Polo qui lui a donné son nom : lors de son long séjour auprès de l’empereur mongol au 13e siècle, il l’a comparée dans ses écrits à de la nacre – qui se dit « porcellana » en italien. 

Les Japonais ont ensuite utilisé une méthode radicale pour obtenir le secret de fabrication de la porcelaine : ils ont enlevé et fait prisonniers sur une île des potiers coréens. Plusieurs potiers japonais contemporains renommés sont des descendants de ces coréens amenés de force au Japon entre 1594 et 1598.

En Europe, ces objets étaient peu connus – car difficiles à transporter par la route de la Soie qui a relié pendant des siècles Orient et Occident – et ils suscitaient curiosité et convoitise.

L’ouverture de la route des mers par Vasco de Gama a permis l’importation de porcelaine chinoise puis japonaise dès le 16e siècle mais elle restait réservée à une clientèle très fortunée et les Occidentaux rêvaient de découvrir comment cette matière était fabriquée. 

La découverte du secret en Europe : début 18e siècle

couverture du livre de Janet Gleeson : l'alchimiste de Meissen
L’alchimiste de Meissen, de J. Gleeson

C’est finalement à Meissen (Allemagne), en 1701  que « l’arcane de la porcelaine » fut découverte par Böttger. Afin de protéger le secret de fabrication cet alchimiste a vécu emprisonné par le souverain de Saxe, Auguste le Fort (lire « L’alchimiste de Meissen”).  Une autre source indique que Böttger aurait découvert la porcelaine en cherchant à produire des creusets réfractaires pour fondre les métaux. Böttger a vécu prisonnier, il était riche, mais est devenu fou probablement à cause des émanations toxiques des fours, et il est mort très jeune, à 33 ans.

Néanmoins c’est grâce à lui que Meissen est le premier endroit en Europe où on a réussi à fabriquer la porcelaine et la manufacture de Meissen a été créée en 1710. Les secrets de fabrication étaient considérés comme secrets d’Etat : on veillait à ce que personne ne puisse maîtriser le processus complet.

Jeux de pouvoir de l’époque, Louis XV souhaitait également avoir « sa » manufacture de porcelaine, mais le secret était bien gardé. Alors en 1740 il créa la Manufacture de Vincennes, où on fabriquait de la « porcelaine tendre » : il ne s’agissait pas de « porcelaine » à proprement parler, mais d’un mélange de terre calcaire blanche, pâte de verre, savon et colle – que l’on cuisait deux fois : les décors étaient fins et raffinés mais les pièces extrêmement fragiles.

En 1756 Vincennes déménagea à Sèvres, mais ce n’est qu’en 1768 que fut découvert un gisement de kaolin à St-Yrieix (près de Limoges), ce qui permit enfin en France le développement de la « porcelaine dure » : 50% kaolin pour la structure, 25% de quartz pour la translucidité et 25% de feldspath pour lier le tout. La couverte se fait sur cru et ces pièces résistent mieux aux chocs et aux rayures que la porcelaine tendre. (Lire « Bleu de Sèvres » de Jean-Paul Desprat » pour connaître cette histoire complexe qui mêle enjeux de prestige/pouvoir et enjeux financiers).

Notons qu’on aurait pu gagner une cinquantaine d’années puisque le secret se trouvait dans la bibliothèque des jésuites : en 1712 le père d’Entrecolles avait décrit dans une lettre la fabrication de la porcelaine à JingdeZhen !

Feux de signalisation, réverbères... à JingDeZhen tout le mobilier urbain est en porcelaine.
Feu de signalisation en porcelaine, à JingDeZhen (photo personnelle, 2004)

Avec l’apparition de la porcelaine, la céramique est devenue une activité de manufacture alors qu’avant cela, c’était une activité essentiellement artisanale. Mais la recherche de rentabilité et la division du travail (afin d’éviter de divulguer les secrets de fabrication mais aussi pour rationaliser la fabrication) ont conduit à l’industrialisation de la production.

Exemples de recettes de pâtes “porcelaine”

Aujourd’hui, la porcelaine est toujours une pâte céramique, composée à partir de plusieurs ingrédients. Il existe des milliers de recettes de pâtes, que l’on peut trouver dans de vieux manuels de céramique, avec souvent des dénominations anciennes de matières premières.

Une recette typique de porcelaine de base  est : 25% kaolin, 25% ball clay, 25% feldspath, 25% silice (la difficulté est de trouver un ball clay qui ne fonce pas à la cuisson). Si on remplace le feldspath par une fritte on peut arriver à développer un pâte de porcelaine qui peut devenir translucide à partir de 1060°C environ – exemple : 25%  kaolin, 25% ball clay, 40% fritte, 10% silice.

Voici quelques compositions – notons que les % varient en fonction des auteurs – ce sont des indications qui guideront les recherches (sources diverses : H. Severijns, M. Lindt, …)

Porcelaine dure type Meissen (cuisson 1400°C) : 50 kaolin, 25 feldspath potassique, 25 silice

Porcelaine tendre type Chine (1250-1300°C) : Kaolin 30 à 40, silice 30 à 40, feldspath 25 à 40 + éventuellement un peu de craie ou de dolomie ou de magnésie ou de talc à raison de 0,5 à 2%

Porcelaine Bone China : poudre d’os calcinés 45, kaolin 30 à 35, feldspath ou cornish stone 15 à 20, év. silice 0 à 5.

La porcelaine cendre d’os est cuite une première fois entre 1260 et 1280°C : elle reste légèrement poreuse tout en étant translucide, ce qui facilite son émaillage. La couverte cuira vers 1100°C.

Porcelaine Vitreous China (1260-1320°C) : Kaolin 35 à 45, silice 30 à 40, feldspath 20 à 30.

La Vitreous China est utilisée dans l’industrie des produits sanitaires et dans la fabrication de vaisselle hôtelière ; elle est cuite en monocuisson entre 1260 et 1320°C ; comme l’émaillage se fait à cru, les pièces ne peuvent pas être trop fines.

Pour fabriquer des pâtes à porcelaine allant au four ou sur la flamme, on introduit de la cordiérite dans la masse – pour cela il faut fritter du kaolin avec des composés magnésiques.

Vous comprenez à présent qu’il existe des milliers de pâtes : la formulation de chacune d’elles demande du temps et de nombreux essais afin des les adapter au mieux à un certain usage ou un certain type de façonnage ou de cuisson… et nous avons bien de la chance de pouvoir dans nos contrées les comparer et les acheter “prêtes à l’emploi” ! 

Lectures conseillées, citées dans cet article 

1. Bai Ming, La porcelaine de Jing De Zhen, Ed. La revue de la céramique et du verre.

2. Janet Gleeson, L’alchimiste de Meissen, Ed. Lattes (“considéré comme l’un des meilleurs alchimistes de son époque, Böttger vit enfermé dans un laboratoire du roi libertin de Saxe, Auguste le Fort. (…) il va sauver sa tête en découvrant la formule chimique de la porcelaine (…) les souverains voisins sont prêts à tout pour s’emparer de cette formule : corruption, espionnage, meurtres, guerres…”).  

3. Jean-Paul Desprat, Bleu de Sèvres, Ed. Points (“Louis XV, adroitement inspiré par Mme de Pompadour, devient en 1760 l’unique actionnaire de la Manufacture de Sèvres. Afin de percer le secret de la porcelaine dure fabriquée en Saxe, il engage deux frères chimistes (…) voici la passionnante aventure d’une des premières affaires d’espionnage industriel”.  

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