En France distingue volontiers “couverte”, “vernis”, “émail”… alors qu’en Belgique le terme générique est “émail”.
Pourquoi ces différentes appellations ?
Mon hypothèse est que la grande proximité entre belges et anglo-saxons pourrait expliquer l’usage du terme unique “émail”, de même que les Anglais ont une terme unique : “glaze”. Remarquons d’ailleurs qu’en Allemagne on utilise également un seul mot : “Glasur”.
Mais comme cette question de vocabulaire revient souvent, cherchons quelques sources pour tenter d’y voir un peu plus clair.
D’après Matthes
Je résume les infos trouvées dans la “bible céramique” de Matthes :
- glaçure est le terme générique pour tous les revêtements et désigne indifféremment les émaux, les couvertes et les vernis
- émail désigne généralement les glaçures colorées, mates, brillantes, à effets, etc., pour toutes températures
- vernis désigne aussi bien les glaçures au sel de grès (donc NDLR : haute température) que le vernis au plomb des terres vernissées (NDLR : basse température)
- couverte est plus spécifique aux grès et aux porcelaines, c’est un revêtement fin et transparent
J’ajoute à ces infos de Matthes que sur de nombreux forums on considère comme synonymes “couverte” et “émail transparent“, et pour ajouter à la confusion, cetains signalent qu’une couverte peut aussi servir à fixer un décor à basse température !
D’après Moglia
Moglia est cité par Camille Virot : “J’utiliserai indistinctement les deux termes “émail” et “glaçure”. C’est volontaire : on utilise une glaçure pour émailler une surface, et l’on obtient après cuisson un émail”.
J’en conclus que pour lui la glaçure est l’état cru, et l’émail l’état cuit.
Source : “Du bon usage des défauts des glaçures”, in Virot C., “Dossier Raku”, ed. Granit2 des dossiers d’Argile.
D’après Antoine d’Albis
Dans “Traité de la porcelaine de Sèvres”, Antoine d’Albis donne l’explication suivante – que je trouve particulièrement intéressante :
“C’est aux émailleurs sur métaux que les manufactures de porcelaine du début du XVIIIe siècle firent appel pour créer leurs palettes de couleurs vitrifiables. Ainsi à cette époque, les couleurs pour porcelaine portaient le nom “d’émaux“. Pour désigner l’enduit vitrifié qui recouvre les porcelaines, on utilisait alors le mot de “couverte“. Bien qu’il soit très désuet, ce nom est toujours en usage courant à Sèvres. Pour signifier la même chose, les industriels préfèrent le nom “d’émail” qui est plus utile car il permet l’utilisation du verbe “émailler”, ce que n’autorise pas le mot “couverte”. De leur côté, les historiens de l’art se servent du mot “émail” pour désigner le produit vitrifié, blanchi et opacifié par l’oxyde d’étain qui recouvre les céramiques poreuses. Lorsque cet enduit est transparent et qu’il ne contient pas d’oxyde d’étain, ils le nomment “glaçure“. Ils réservent le mot “couverte” pour les produits vitrifiés comme le grès et les porcelaines dure ou tendres. Les Anglais, avec le mot “glaze”, et les Allemands, avec le mot “glasur”, ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes de vocabulaire qui en France ont conduit à maintes querelles d’experts”.
Donc note de ma part : bien vérifier si vous parlez à un céramiste ou à un historien de l’art, on comprend pourquoi ça fait un peu désordre !
Source du texte ci-dessus dans le chap.V point 8 : “les couvertes”.
Et encore
Pour ceux qui voudraient chercher plus loin, je suggère
- le dictionnaire encyclopédique de Van Lith (une très grosse brique !)
- ou encore un intéressant article de la Société Chimique de rance, qui explique e.a. l’origine du mot “émail” et plein d’autres anecdotes intéressantes.
Dans un autre article je parle de l’émaillage, car on ne dit pas “glaçurage” ni “vernissage”… ou plutôt un “vernissage”, c’est autre chose 😉