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Faïence, terre vernissée, terre cuite… s’en sortir dans ce bazar

Bouteille ancienne en faïence décorée

Il existe plusieurs catégories de faïences et comprendre les différences permet de mieux les apprécier. Mais voyons d’abord ce qu’elles ont en commun.

Les « TERRES A FAIENCE» sont cuites entre 900°C et 1150°C. Elles sont fameuses dans de nombreuses régions d’Europe, car les argiles et autres minéraux à partir desquels on compose ces pâtes sont très abondants. (Voir la différence entre “argile” et “pâte céramique” ici).  Elles ne supportent pas des températures plus élevées, sinon elles se déforment puis fondent dans le four, en raison de leur richesse en “fondants” (alcalis, calcium s’il s’agit de marnes, oxyde de fer…). Ces “terres” ou “pâtes” sont souvent colorées –  grises, verdâtres, brunes ou rouges. Cuits, la plupart des tessons restent poreux même sous une couche d’émail. Dans le cas d’un tesson poreux c’est l’émail qui doit assurer l’étanchéité – la condition étant qu’il ne tressaille pas, et ne soit pas endommagé.

Elisabeth Lambercy, dans son fameux livre (malheureusement épuisé) nous indique : « Le tesson non émaillé se salit vite, ce qui vaut aussi pour les parties apparaissant entre les craquelures; (…) la résistance mécanique est inférieure à celle des produits cuits jusqu’à vitrification (…), la cuisson d’émail se fait soit à la même température que la première cuisson soit à plus basse température, l’accord entre l’émail et la pâte est très difficile » (in Les matières premières céramiques et leur transformation par le feu).

Comment mesurer la porosité d’un tesson ?

Pour mesurer la porosité : pesez un tesson ou une pièce complètement sec/sèche, trempez-le/la dans l’eau suffisamment longtemps puis séchez la surface, et pesez à nouveau.

Certaines terres à faïence, si elles sont portées à leur température de cuisson maximum sans déformation, peuvent vitrifier donc devenir étanches – mais c’est rare, et cela dépend de leur composition chimique. Contrairement au grès, dans les terres vernissées et les faïences, l’émail  est un revêtement indépendant du tesson.

Voici une classification utile à comprendre – particulièrement si vous suivez des cours d’histoire de l’art ou d’histoire de la céramique européenne – mais aussi si vous êtes simplement curieux, car ces techniques sont toujours utilisées avec talent par des artistes contemporains. 

Terres cuites ou terra cotta

vase de la période Jomon tardif (Japon)
vase de la période Jomon tardif (Japon)
  • Les « terres cuites »  ou « terra cotta » sont non émaillées, il s’agit des pots de fleurs, des briques, des tuiles, des “ollas” qui servent à humidifier les plantes au plus près des racines… mais aussi de la plupart des poteries anciennes – on peut en admirer dans les musées –  dont les éléments sont juste soudés entre eux par une unique cuisson. Certaines de ces pièces anciennes sont absolument remarquables. Jetez un œil sur les céramiques Jomon (photo) par exemple – qui datent de bien avant JC. La température de cuisson est relativement basse (entre 750 et 1000°C).

Terres vernissées

  • Les « terres vernissées » sont apparues en Gaule au 1er siècle, ensuite leur usage s’est généralisé en Europe au Moyen-Age. Elles sont généralement cuites autour de 1000°C.

Les terres vernissées sont des terres cuites recouvertes « d’émaux tendres » (ce qui signifie « fragiles »). Dans le temps on utilisait du plomb sous forme de galène ou de minium, que l’on saupoudrait sur les pièces crues avant la cuisson : il formait après cuisson un « vernis » qui assurait une relative étanchéité. Le tesson reste généralement poreux et le revêtement est fragile. L’avantage est que sous le plomb les couleurs restent très vives et séduisantes : rouge éclatant, bleu vif, jaune vif… Depuis que le plomb est interdit pour les pièces alimentaires, il a été remplacé par le bore : l’avantage est son innocuité, en revanche obtenir des couleurs vives est plus difficile. 

Pièces d'Anne-Laure Humblot
Pièces d’Anne-Laure Humblot

Les pièces sont réalisées en argile rouge, recouverte d’un engobe blanc afin de masquer la terre et avoir un fond de couleur claire. Cette étape se fait lorsque l’argile a la consistance du cuir, sinon l’engobe n’adhère pas. Ensuite un décor peut être peint par-dessus l’engobe à l’aide d’oxyde de fer, de manganèse, de cuivre, de cobalt ou de pigments (qui sont des mélanges d’oxydes précuits). Après une première cuisson autour de 1020°C, la pièce sera recouverte d’une glaçure transparente – qu’on appelle aussi “vernis” à cette température – puis subira la deuxième cuisson. Cette seconde cuisson a pour but de faire fondre la glaçure transparente et a lieu à une température égale ou inférieure à la première cuisson. 

(Plus d’infos sur le travail d’Anne-Laure : voir gasolinecreation.com)

Faïences : “fine” ou “stannifère” ?

  • Ensuite voyons les faïences : on distingue “faïence fine” et “faïence stannifère” (le mot stannifère signifie “avec de l’étain”, dont le symbole chimique est “Sn”). 

1. La faïence stannifère

"Découvrez les cartes", Angela Campanile - musée Terra Rossa à Salernes (France, Var)
“Découvrez les cartes”, Angela Campanile – musée Terra Rossa à Salernes (France, Var)

Voyons le procédé : la pâte de couleur rouge est biscuitée, ensuite on pose l’émail coloré en blanc grâce à l’étain (ou plus récemment avec du zircon moins coûteux) afin de cacher la couleur rouge de la pâte. Ensuite le décor est peint sur la glaçure crue : il faut être excellent dans la tenue du pinceau car on n’a pas droit au repentir ! La deuxième cuisson dite “de grand feu” a lieu entre 800 et 1000°C. Et par la suite est apparu le décor dit “de petit” feu, pour imiter les décors de porcelaine : il s’agit d’une troisième cuisson, entre 600 et 800°C. 

Les “majoliques” font partie de ce groupe. 

(Infos sur la majolique en illustration : www.angelacampanile.com) 

La faïence stannifère – donc blanchie à l’étain – est apparue au 9e siècle dans la région de Bagdad, puis est passée en Espagne au 13e siècle sous le nom de “Maiolica” via l’occupation arabe de la péninsule ibérique. Ensuite la technique est passée en Italie au 14e siècle en empruntant au passage le nom de Faenza, puis en France. Et cette technique a connu un grand essor en Europe lors de l’arrivée de la porcelaine chinoise qu’on voulait imiter (faïence de Delft) et a bénéficié… de la guerre (puisque les rois, en particulier Louis XIV, ont récupéré l’argenterie pour couler des canons ce qui a obligé au remplacement de la vaisselle). Les princes s’offraient de la porcelaine, la classe moyenne bien plus nombreuse, achetait de la vaisselle en faïence stannifère (selon les régions la majolique ou le Delft par exemple).

Autre histoire amusante : certains “pots à pharmacie” étaient recouverts à l’extérieur d’un émail stannifère et joliment décorés, souvent avec le nom des produits en latin – par contre l’intérieur était recouvert d’un vernis au plomb. La raison est que – déjà à l’époque – l’étain était beaucoup plus coûteux que le plomb (et qu’on ignorait la toxicité de ce dernier). Mais je m’éloigne de mon sujet… revenons à la faïence fine à présent. 

2. La faïence fine

A la différence des terres vernissées et des faïences stannifères, la faïence fine est réalisée à partir de pâtes blanches – donc plus besoin d’émail blanchi à l’étain ou d’engobe blanc pour cacher la couleur rouge de la pâte. 

Faïence islamique, faïence fine anglaise, Sarreguemines,… il s’agit donc de pâtes blanches, cuites à basse température. Autre importante différence avec la faïence stannifère et avec les terres vernissées, le décor est peint sur le biscuit de couleur blanche (=donc pas sur l’engobe, ni sur l’émail, ce qui est techniquement très différent). Ensuite le décor est recouvert d’une glaçure transparente, avant la 2e cuisson d’émail. 

Un site bien documenté : https://ceramica-ch.ch/fr/glossary/faience-fine/#q=*%3A*

Monocuisson ou bi-cuisson ?

Seules les terres cuites sont obtenues en monocuisson. 

Pour les terres vernissées, la faïence stannifère ou la faïence fine, il y aura en règle générale deux cuissons (hors le cas particulier de la 3e cuisson “de petit feu”) : idéalement la première cuisson doit avoir lieu à une température plus élevée que la seconde. En effet la première cuisson a pour objectif de « fermer » au maximum le tesson, alors que la seconde a pour but de faire fondre l’émail. Pour raisons d’économie et facilité, certains choisissent de réaliser les deux cuissons à la même température, voir l’article concerné à la différence entre grès et faïence

Selon la composition minéralogique et la température de cuisson, certaines faïences peuvent être étanches mais pour la plupart le tesson restera poreux et c’est la glaçure qui doit assurer l’étanchéité – ce qui est difficile car toute glaçure est une sorte de « verre » qui continue à subir des tensions et finit invariablement au fil du temps par subir des micro-fissures qu’on appelle « faïençage ». (A haute température le même phénomène s’appelle « tressaillage », la différence est que dans le cas du grès le tesson est vitrifié). J’ajoute que – d’après moi – les pièces réalisées en faïence (pour autant qu’on n’utilise pas de plomb), même si elles subissent le phénomène de « faïençage » (donc de micro-fissures) – ce qui est inévitable dans le temps – ne sont pas pour autant systématiquement « non alimentaires » (voir mon cours de technologie de la céramique).

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