Le “grès” et la “faïence” sont obtenus respectivement à partir de pâtes différentes. Un grès peut être sous-cuit sans danger pour le four. Par contre une pâte à faïence surcuite va se liquéfier et vous trouverez une galette de lave refroidie à l’ouverture de votre four : pas vraiment marrant, et coûteux comme expérience. Pour l’éviter, lisez ceci.
Le grès et sa cuisson
Les céramistes parlent de « grès » pour des pâtes dont la température de cuisson se situe au-dessus de 1200°C. (Pour compliquer les choses, pour un géologue le terme « grès » a une autre signification, mais je n’ai pas envie de les compliquer).
La première cuisson s’appelle le « dégourdi » et a lieu en général autour de 980-1000°C. Le dégourdi est poreux ce qui permet de l’émailler facilement. (En Belgique on parle de cuisson « biscuit » mais ce n’est pas tout-à-fait exact, voir ci-dessous).
Ensuite la cuisson d’émail aura lieu à une température comprise en général entre 1220 et 1280°C, voire un peu plus. L’objectif est d’atteindre une température suffisante pour “vitrifier” le tesson, ce qui signifie le rendre étanche car une partie de ses composants auront fondu – sans pour autant qu’il perde sa forme. Chaque pâte à grès aura donc “sa” fourchette de température de vitrification. A côté de ces “grès de haute température”, donc qui vont vitrifier plus haut que 1200°C, il existe aussi des “grès de basse température” : il s’agit de pâtes qui vitrifient autour de 1150°C, c’est le cas par exemple du “grès de Noron”.
Techniquement le terme « biscuit » désigne la température la plus élevée à laquelle une pièce sera cuite : donc cette cuisson à haute température devrait ou pourrait (?) s’appeler cuisson biscuit. Il y a beaucoup de régionalismes dans les termes que nous utilisons car ce sont des termes de métier – et les livres ne sont pas tous d’accord.
A retenir pour le grès (et la porcelaine) : première cuisson à plus basse température que la seconde. Seconde cuisson au-dessus de 1200°C.
Cuisson en oxydation ou en réduction
Dans les fours à bois, ainsi que dans tous les fours qui utilisent un combustible fossile (donc contenant du carbone), on peut cuire “en réduction”, cela signifie qu’on “réduit” l’oxygène présent dans le four. Cela a comme effet de modifier la composition du tesson et des émaux car l’oxygène va également en être extrait, ce qui modifie la composition chimique après cuisson ET du tesson ET de l’émail.
Dans les fours électriques, on peut cuire uniquement “en oxydation”, c’est-à-dire en présence d’oxygène.
Un même émail posé sur une même pâte cuit à la même température en réduction ou en oxydation n’aura pas le même aspect, comme on peut le voir sur la photo. Le changement de couleur du tesson est moins visible en photo, mais si vous passez à l’atelier je peux vous le montrer !
Grès et monocuisson
La monocuisson consiste à émailler une pièce crue : plus difficile car il faut éviter la saturation en eau, qui ramollirait voire déformerait la pièce. Plus difficile aussi car l’émail (ou la couverte ou la glaçure) va devoir suivre le retrait à la cuisson et le delta sera plus important que lors d’une application sur un dégourdi.
On cite souvent l’exemple du travail de Lucie Rie, qui a réalisé beaucoup de ses émaux en monocuisson.
La pièce ci-contre a été photographiée dans un livre de T. Birks consacré à Lucie Rie, mais une pièce de la même série est visible au musée Ariana à Genève.
La Faïence et sa cuisson
Traditionnellement nous parlons de « faïence » lorsque nous travaillons des pâtes dont la température de cuisson se situe autour de 950°C à 1150°C – mais il s’agit aussi de désigner un procédé dans lequel la première cuisson a lieu à une température plus élevée que la seconde.
Dans l’idéal la première cuisson aura lieu à la température la plus élevée possible pour la pâte afin de la fermer au maximum : on appelle donc cette cuisson le « biscuit » et rappelons que cette température va varier selon la composition de la pâte. Quelques rares pâtes à faïence peuvent vitrifier mais la plupart restent poreuses – et c’est certainement le cas lorsqu’il s’agit de marnes calcaires (trop complexe à expliquer dans le cadre d’un blog).
La seconde cuisson aura pour but de faire fondre l’émail (ou le vernis, quel que soit le terme utilisé) et aura lieu à une température inférieure à la première cuisson.
En pratique, certaines personnes choisissent de réaliser les deux cuissons à la même température pour des raisons de réduction de coût et de possibilité de mélanger dans un même four les pièces à biscuiter et les pièces à émailler, même si la conséquence peut être un tesson moins fermé. A noter également qu’à basse température, l’accord tesson-émail est beaucoup plus difficile à obtenir qu’à haute température. Et à ma connaissance, on ne fait pas de monocuisson en faïence (sauf les terres cuites), suivre ce lien.
A retenir pour la faïence : première cuisson à plus haute température que la seconde, ou à températures égales.
Pour en savoir plus sur les différences entre faïence fine, faïence stannifère ou terre cuite, suivez ce lien.
Comment choisir : implications sur la couleur, la solidité, le prix des cuissons
Choisir de travailler le grès ou la faïence est une question que posent de nombreux débutants.
Quelques points me viennent immédiatement à l’esprit :
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- La faïence permet plus facilement les couleurs vives. A haute température le jaune canari ou le rouge pétant seront possibles uniquement en travaillant avec des pigments (qui sont des “frittes” de colorants: il est important de se renseigner sur ce qu’ils contiennent, par exemple les rouges et oranges contiennent quasiment toujours – entre autres – choses du cadmium). Cela dit, à basse température ce sont aussi des pigments qui sont utilisés.
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- Si on aime travailler le décor, le dessin, la faïence sera plus adaptée.
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- Le grès sera plus solide car la couverte/vernis/glaçure/émail sera intimement liée au tesson, formant une couche intermédiaire.
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- En grès le tesson sera vitrifié : il existe quelques terres de faïence que l’on peut vitrifier, mais elles sont rares, en général en faïence le tesson restera poreux sous le vernis/l’émail, qui forme un revêtement indépendant.
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- La faïence n’est pas supposée passer dans un lave-vaisselle.
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- Cuire la faïence revient moins cher en électricité, par contre composer des émaux demande de recourir à des frittes, plus chères que des matières premières naturelles.
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- Un four à faïence coûte également moins cher qu’un four à grès : normal, il doit être moins isolé, le pyromètre “de basse température” est moins coûteux, et la puissance électrique nécessaire sera moindre
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- Dans les deux cas il est très important de connaître la température de cuisson optimale de votre pâte, je renvoie à cet article.
Il y a encore bien d’autres paramètres, l’important c’est d’essayer et de voir ce qui vous plaît. Parfois on peut aussi être restreint par l’accès aux matières premières (je pense à une de mes stagiaires qui habite en Guyane, et qui n’a pas vraiment le choix).
Le cas de la Faïencerie Boch : biscuit à 1250°C !
Une particularité : les anciennes Faïenceries Boch à La Louvière en Belgique (actuel musée Keramis dont je recommande la visite) expliquent que la première « cuisson biscuit » a lieu autour de 1250°C et qu’ensuite la cuisson d’émail a lieu à une température inférieure (1150°C). Au départ je ne comprenais pas pourquoi on parlait de “faïence” et pas de « grès » – mais je pense qu’il s’agit dans ce cas de la désignation du procédé (et non du type de pâte) puisque la 1e cuisson se déroule à une température plus élevée que la seconde.