Compositions théoriques des minerais et analyses réelles
En géologie, les scientifiques utilisent des compositions théoriques pour classifier les roches. Par exemple, un feldspath sodique – qu’on appelle albite – a une composition théorique. La liste se trouve dans le tableau dans le bas de l’article. Toutefois, dans la nature, des roches aussi pures n’existent tout simplement pas.
Alors comment cela se passe en pratique ? Les roches sont d’abord broyées pour pouvoir les analyser. Et c’est d’ailleurs sous la forme de poudres que nous les utiliserons en céramique. Ensuite des laboratoires spécialement équipés avec des spectrographes réalisent l’analyse de la composition : il s’agit de déterminer quels éléments sont présents et en quelle quantité.
Suite à cette analyse, on compare et on regarde de quelle composition théorique l’analyse se rapproche le plus. C’est de cette façon que les roches et les poudres de roche reçoivent un nom. J’ajoute que ces analyses sont réalisées par les sociétés qui exploitent les carrières, ce n’est financièrement pas abordable à notre échelle.
Ci-dessous vous voyez une carrière de talc dans les Pyrénées et en haut de l’article la photo montre toute une série d’échantillons de roches de talc. Ces photos permettent de réaliser que les analyses seront légèrement différentes selon l’endroit d’extraction.
Le talc vendu chez nos fournisseurs est impur au sens minéralogique puisqu’il contiendra d’autres éléments que le magnésium et la silice. Si vous achetez du talc bien blanc en pharmacie, il sera plus cher car il aura été débarrassé des impuretés.
Bien sûr les géologues expérimentés peuvent également reconnaître une roche par son aspect, sa couleur, sa dureté, la manière dont elle se casse etc. Mais pour nos besoins de céramistes, il faut comprendre que si l’analyse de la composition réelle se rapproche de la théorie, elle reçoit le nom théorique.
Par exemple voici l’analyse du feldspath sodique que j’ai actuellement dans mon stock : 1,01 Al2O3, 6,242 SiO2, 0,67 Na2O, 0,162 K2O et 0,172 CaO. Observez que ça diffère de la composition dans le tableau, mais cette poudre de roche a reçu l’étiquette de “feldspath sodique”. Et il existe donc des centaines d’autres feldspaths sodiques, avec des compositions qui seront forcément légèrement différentes.
En pratique : on ne peut pas simplement permuter un feldspath sodique par un autre, d’une autre origine, dans une recette sans risquer des surprises au niveau de l’aspect final d’un émail.
L’écart entre théorie et réalité géologique
Ces écarts sont tout à fait normaux car la réalité géologique est complexe. Les minerais que nous utilisons en céramique sont rarement exactement conformes à leurs compositions théoriques.
Lorsqu’on réalisait les calculs d’émaux à la main, on se basait sur ces compositions théoriques. C’était le cas il n’y a pas si longtemps, quand j’ai appris ces calculs, car on n’avait pas encore l’informatique. Mais aujourd’hui nous disposons de programmes et de tableurs performants, et la connaissance de la composition effective des minerais est cruciale dans un atelier céramique : c’est même essentiel pour un travail précis.
Seul cas où l’on s’en passe, c’est lorsqu’on pratique la cueillette de matières premières et qu’on ne dispose donc pas des analyses. Et encore faut-il avoir suffisamment de connaissances pour déterminer ce qui est quoi dans les matières de rencontre.
Système de classification et pratique céramique
Pour vous aider à situer les matières les plus courantes que nous utilisons en céramique, voici un tableau de leurs compositions théoriques.
Ce tableau simplifié est suffisant pour notre usage. Il a pour but de d’être un point de repère et vous aider à choisir vos matières premières. Il ne dispense donc pas de demander les fiches techniques pour connaître la composition exacte de ce que vous achetez. Les variations, entre théorie et réalité ont un impact significatif.
Tableau des compositions théoriques
Silice (aussi appelée Quartz) | 1 SiO2 |
Kaolin (aussi appelé China Clay) | 1 Al2O3+2 SiO2+2 H2O |
Kaolin calciné (= molochite) | 1 Al2O3+2 SiO2 |
Feldspath sodique (= albite) | 1 Al2O3+6 SiO2+0,75 Na2O+0,25 K2O |
Feldspath potassique (= orthose) | 1 Al2O3+6 SiO2+0,75 K2O+0,25 Na2O |
Néphéline syénite | 1 Al2O3+4,5 SiO2+0,75 Na2O+0,25 K2O |
Cornish stone | 1 Al2O3+7,5 SiO2+0,33 Na2O+0,33 K2O + 0,33 CaO |
Spodumène | 1 Al2O3+4 SiO2+1 Li2O |
Pétalite | 1 Al2O3+6,5 SiO2+1 Li2O |
Craie | 1 CaCO3 (après combust° 1 CaO+1 CO2) |
Wollastonite | 1 CaO+ 1 SiO2 |
Dolomie | 1 CaO + 1 MgO |
Talc | 1 MgO + 1 SiO2 |
Colémanite | 2 CaO+ 3 B2O3 +5 H2O |
Je n’ai pas mentionné la lépidolite, la cryolithe et le spath fluor, car ce sont des matières premières à éviter en raison de l’important dégagement d’acide fluorhydrique lors de la cuisson.
Connaître la compo de la colémanite est aussi utile. Elle contient énormément d’eau, raison pour laquelle elle risque de faire éclabousser les émaux qui en contiennent beaucoup sur les pièces voisines et sur les plaques réfractaires.
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