Fabriquer sa porcelaine soi-même
La porcelaine est toujours une pâte, composée de différentes matières premières. En Chine deux matières premières suffisent car elles sont très pures. Il s’agit du feldspath et du kaolin, extraits dans la région de JingDeZhen. Ailleurs il faudra minimum 3 voire 4 matières premières : feldspath et kaolin bien sûr, auxquels il faudra ajouter de la silice et souvent un peu de ball clay ou de bentonite pour la plasticité. Pourquoi cette différence ? Parce que la composition chimique des matières premières dépend de l’histoire géologique, et cette histoire n’est pas identique partout sur la croûte terrestre.
Pourquoi envisager de fabriquer sa porcelaine “maison” ?
Le premier argument est économique : les pâtes prêtes à l’emploi coûtent nettement plus cher que les matières premières achetées séparément, parfois du simple au triple selon les catalogues 2024–2025 de fournisseurs courants comme Ceradel, Colpaert, Les Cousins ou Solargil. Je ne les cite pas tous – vous les connaissez !
Le second argument est la maîtrise : préparer sa propre pâte permet d’ajuster la plasticité, la blancheur, la maturité à la cuisson ou encore le comportement au séchage.
Les matières premières disponibles en France et en Belgique
- Pour le kaolin : il faut choisir ceux qui ont une bonne blancheur – donc la teneur en fer la plus basse possible. On peut retrouver cela dans les fiches techniques.
- Les feldspaths potassiques ou sodiques courants vont assurer la vitrification de la pâte.
- La silice est également disponible partout.
- Pour améliorer la plasticité, il s’agit de se procurer un ball clay le plus pur possible. Ici aussi veillez à choisir la teneur la plus faible pour préserver la blancheur et attention car cela peut varier d’un lot à un autre.
Pour renforcer la plasticité, on peut aussi utiliser des bentonites, mais c’est compliqué car les teneurs en fer sont souvent trop élevées, ce qui compromet évidemment la blancheur. Alternativement, on peut se procurer du Veegum T. C’est plus coûteux et semble-t-il très efficace mais malheureusement introuvable en Europe. Comme plusieurs de mes abonnés vivent hors d’Europe, notamment aux États-Unis ou en Australie, il est utile de préciser pour eux que certains distributeurs y proposent ce produit dans leurs catalogues (je n’ai pas vérifié pour l’Australie).
Une recette simple, économique et adaptable
Pour fabriquer sa porcelaine, une formulation de base souvent citée dans les guides techniques repose sur une répartition en quatre quarts, à savoir 25 % kaolin, 25 % ball clay, 25 % silice et 25 % feldspath. Cette recette constitue surtout un point de départ qu’il faudra ensuite ajuster, mais elle combine déjà bonne maturité, coût raisonnable et blancheur correcte si vous choisissez correctement les matières contenant le moins de fer possible.
L’ajout d’environ 2 à 3 % de bentonite peut améliorer nettement la plasticité. Ces très petites quantités sur la cohésion de la pâte – mais attention cela peut aussi avoir un impact sur la blancheur.
En comparant les tarifs FR/BE 2024–2025 des matières premières avec ceux des pâtes prêtes à l’emploi, le coût total de cette formulation se révèle en moyenne 40 à 60 % inférieur. Cette estimation peut être vérifiée directement dans les catalogues de fournisseurs.
Méthode de préparation : simple et reproductible
La méthode la plus fiable pour obtenir une pâte homogène consiste à réaliser d’abord une barbotine. Les kaolins ont tendance à former des agglomérats — un point mentionné dans plusieurs fiches techniques — et les essais publiés montrent qu’un mixeur-plongeur puissant ou un blender permet une dispersion plus régulière qu’un simple mélange à sec.
Une fois la barbotine bien lisse, elle est étalée sur une plaque de plâtre pour déshydratation. (Je rappelle que la recette pour fabriquer vos plâtres se trouve ici). Lorsque la consistance devient ferme tout en restant souple, on peut rassembler la pâte, la pétrir pour homogénéiser l’ensemble, puis la laisser maturer quelques jours dans un sac épais. Cette courte maturation améliore sensiblement la plasticité : comme pour toutes les pâtes, c’est un phénomène bien connu.
Ajustements des proportions
Pour accroître la plasticité, on peut soit augmenter légèrement la bentonite, soit renforcer la proportion de ball clay, en gardant à l’esprit que cette seconde option réduit parfois la blancheur. À l’inverse, une pâte très claire s’obtient en augmentant la part de kaolin et en choisissant une bentonite très propre – ou le fameux Veegum.
Pour une porcelaine destinée à maturer à plus basse température (par exemple cône 6), l’augmentation du feldspath jusqu’à environ 35 % va permettre une vitrification à plus basse température.
Alternativement, Tony Hansen dans un article sur Digitalfire propose la méthode suivante pour formuler une porcelaine plastique, blanche et translucide à cône 6 – notez que cette recette diffère de la recette “4 x 25” ci-dessus. Voici ce qu’il propose :
- Commencer avec 20 % de silice.
- Ajouter 40 % de feldspath ou de néphéline syénite : choisir le plus blanc possible
- Ajouter 40 % du kaolin le plus blanc possible : on est à 100%
- A partir d’ici on dépasse 100%, on considère cet ajout comme “en plus des 100%” (comme des colorants ou opacifiants ajoutés à une recette dite “de base”). On va ajouter 3 à 5 % de bentonite la plus blanche disponible (ou Veegum si vous en trouvez : d’après Tony Hansen c’est l’idéal). Sans cette bentonite – ou ce Veegum, ça risque d’être galère au niveau plasticité.
- Réaliser un mélange d’essai et évaluer la porosité après cuisson, le comportement au séchage et la plasticité en fonction de votre méthode de façonnage.
- Ajouter ou réduire le plastifiant selon les besoins.
- Augmenter le feldspath et diminuer le kaolin si besoin d’une meilleure transparence. Si la pâte est surcuite, faire l’inverse donc augmenter kaolin et diminuer feldspath.
- Tester à nouveau et répéter.
Points de vigilance confirmés par les sources
La blancheur finale dépend étroitement de la teneur en fer des matières premières donc vérifiez bien les fiches techniques. Et dans tous les cas, une pâte à porcelaine sèche rapidement, se déforme et fissure facilement. C’est nettement plus délicat à travailler que le grès.
Conclusion
Fabriquer sa porcelaine soi-même permet de réduire les coûts tout en gagnant en maîtrise technique. Avec des matières premières fiables, un bon mélange initial et un séchage sur plâtre, on peut obtenir une pâte adaptée au tournage ou au modelage, modulable selon les besoins. Cela demande bien sûr une recherche préalable : on commence par des échantillons de petite taille, que l’on façonne selon la technique utilisée dans l’atelier. Il faudra juger le résultat sur des tests cuits et émaillés – mais si votre production est élevée en quantité, cette recherche sera rapidement amortie.
Je suis bien sûr intéressée par vos résultats de tests, que vous partiez de la recette “4 x 25” ou de la méthode Tony Hansen. Et si vous avez des remarques ou suggestions pour compléter cet article, contactez-moi : je peux toujours revenir à ce texte pour l’améliorer.