Chez nos fournisseurs on peut acheter de l’oxyde de fer rouge, noir, jaune, brun, parfois meme violet
Qu’est-ce qui les distingue ?
La couleur dépend de la structure chimique de l’oxyde. Et cette structure chimique est très variable car l’atome « Fer » a la particularité d’avoir plusieurs valences possibles : cela signifie qu’il peut se combiner avec d’autres atomes par 2 OU 3 liaisons.
L’oxyde de fer de valence II, de couleur noire, s’appelle oxyde ferreux et sa formule est FeO.
L’oxyde de fer de valence III, de couleur rouge, s’appelle oxyde ferrique et sa formule est Fe2O3.
La magnétite – de couleur noire également, est plus complexe car c’est un mélange du fer de valence 2 et de valence 3. Sa formule est Fe3O4 – et cela peut aussi s’écrire (FeO).( Fe2O3).
L’oxyde de fer jaune est de l‘oxyde ferrique hydraté et il a une formule un peu différente : Fe2O3.x H2O. En clair cela signifie que des molécules d’eau y sont incorporées. Si x = 1, donc si une molécule d’eau est incorporée à une molécule d’oxyde de fer rouge, la formule devient : Fe2O3.H2O et les atomes vont s’organiser un peu différemment. Cela peut aussi s’écrire FeO(OH).
Quant à l’oxyde de fer brun, de formule générale (FeO).x(Fe2O3), il est obtenu par mélange d’oxydes de fer rouge, jaune et noir.
Et la « rouille » alors ?
A l’air libre, le fer va se corroder en présence d’humidité. La rouille est constituée d’un mélange d’oxydes et d’oxydes ferriques hydratés, et il est difficile de connaître les proportions. En effet la composition chimique varie en fonction de la propagation de la corrosion : jusqu’au cœur du métal ou seulement en surface ? C’est la raison pour laquelle j’ai choisi pour mon atelier d’acheter de l’oxyde de fer rouge synthétique, de sorte que j’ai toujours la même composition. Mais j’utilise également des sources naturelles (voir plus bas).
On trouve encore d’autres appellations, issues du monde des géologues. Ainsi l’hématite Fe2O3 est le minerai banal, de couleur rouge ou violacée. La magnétite Fe3O4 est noire, et elle contient souvent des inclusions de limonite Fe2O3.x H2O.
L’être humain se sert de ces roches depuis la nuit des temps, sous forme de blocs ou de poudre (roche broyée dès le paléolithique). Et il les calcine également depuis cette époque comme indiqué dans l’article de https://cbonvin.fr/sites/www.dotapea.com/oxydesdefer.html
Oxyde de fer naturel ou synthétique ?
Les oxydes de fer naturels sont mêlés de sable et d’argile, et on les appelle des terres.
Ainsi la terre de Sienne peut être naturelle (jaunâtre) ou brûlée (rouge-orange) – ou la terre d’Ombre, qui contient du manganèse en plus de l’oxyde de fer.
Dans cette catégorie on trouve également les ocres, qui se distinguent des terres par leur proportion plus faible en oxyde de fer.
Aujourd’hui on produit aussi des oxydes de fer synthétiques : « Les oxydes de fer synthétiques sont fabriqués à partir de feuillets métalliques plongés dans des bacs acides avec électrolyse provoquant une oxydation des métaux. Suivant le temps passé et le métal plongé dans les bacs les couleurs diffèrent » – source : www.moulincouleurs.fr .
Travailler avec un oxyde de fer rouge synthétique présente l’avantage que ce produit est moins sujet aux variations que les sources naturelles.
Peut-on permuter oxyde de fer rouge et oxyde de fer noir ?
Sauf – à ma connaissance – dans les émaux « goutte d’huile » où il est important d’utiliser l’oxyde de fer rouge, on peut permuter fer rouge et fer noir – à savoir que 100 grammes de fer rouge = 90 grammes de fer noir. Mais attention : si vous cuisez en réduction, l’oxyde de fer rouge Fe2O3 va perdre de l’oxygène et se transformer en FeO, qui est beaucoup plus fondant. Vous risquez donc de voir vos émaux couler en réduction alors qu’ils ne couleraient pas en oxydation. Toujours en réduction et pour la même raison, attention également si vous utilisez des pâtes céramiques qui contiennent du fer.
Le fer est donc un élément chimique qui peut avoir des liaisons très variables. Il est fascinant car selon son utilisation on peut obtenir toute une gamme de bruns allant de la couleur miel jusqu’aux tenmokus, mais aussi des céladons, des « bleus de fer » (= des bleus sans un gramme de cobalt), des émaux « goutte d’huile » ou « fourrure de lièvre », ou encore des « rouges de fer » (voir l’excellent article de Christine Ladeveze sous ce lien: http://www.christineladeveze.com/resources/Rouges.pdf), …
Pour nous céramistes, l’oxyde de fer présente l’avantage non négligeable de ne pas être un produit toxique. Par contre veillez à protéger vos vêtements, surtout s’ils sont de couleur claire, car le fer peut provoquer des taches indélébiles. Le tee-shirt blanc ou la jolie paire de tennis risquent de se souvenir pour toujours d’une rencontre avec cet oxyde métallique. Et bien sûr ne négligez pas les précautions habituelles lorsque vous travaillez les émaux.
PS Au moment de boucler cet article, voilà que je trouve dans l’atelier de « l’oxyde de fer pourpre » qu’on appelle aussi « crocus martis ». Il peut produire des petites taches intéressantes, qui apparaissent après la cuisson de l’émail. Mais il est bon de savoir qu’il contient du soufre, donc il va dégager du gaz sulfurique durant la cuisson (= un acide fort très hygroscopique, ce qui signifie pas bon pour les alvéoles pulmonaires où il crée des lésions). A utiliser donc exclusivement en four extérieur bien ventilé.